11 janvier 2011

R. ou la tentation du vide

Daria Marx écrivait le 7 janvier un bel et bon article sur le vide. Elle montrait comment le néant, le rien qui nous entoure en permanence corrode doucement les petits ressorts de notre cerveau.

Il y a quelques années, j'étais encore étudiante. Je vivais à R. dans un réduit insalubre que la facétie administrative avait eu la charité de m'attribuer comme « chambre universitaire ». J'avais choisi de plein gré la fac de lettres au lieu de me farcir l'hypokhâgne ; ce fut un bon choix, j'y reviendrais plus tard. Riche d'espérance, de bourses sur critères sociaux et de nombreux copains de lycée, je quittais sans regret mon bled trégorois et me lançais dans la découverte de la vie étudiante. Six mois plus tard, j'étais alcoolique et à découvert. D'apéro en boîtes, de bars en fiestas effrénées, de cuites en tartiflettes, j'avais pris cinq kilos et perdu en cours de route mes velléités universitaires. Par manque de courage justement, par attrait du facile comme un McDo en cas de fringale, je m'étais transformée en larve éthylo-dépendante et n'avais pas ouvert un livre pendant des semaines. Le temps s'effilochait, entre les tests Cosmo, les séries Z, la grasse matinée. Fin juin, je suis retournée chez mes parents. En quête d'occupation autre que nautique ou agricole, je décidais d'attaquer Les Trois Mousquetaires un jour d'ennui. Je me rappelle alors avoir avalé dix pages avec peine, m'être perdu dans les méandres de la pronominalité (pourtant pas complexe), souffrir. Oui, souffrir comme lorsqu'on se remet au jogging après une période « couch potatoes ».

Et là, j'ai eu peur. Vraiment.

Pas à cause des concours, de mes crédits à rattraper et autre. Uniquement parce qu'à ce moment précis, je me suis vue devenir débile. Ne plus comprendre un énoncé un poil académique, ne plus réfléchir, ne plus lire, ne plus analyser, déconstruire. Ne plus avoir simplement l'idée de penser. Se désintéresser de tout, rire de bêtises, s'ennuyer au musée. Lire Closer, regarder le Bigdil et crever satisfait.

Se remettre d'une année de beuverie et de jachère intellectuelle est rarement simple. En ce qui me concerne, ça a pris trois ans. Daria Marx a raison : un cerveau, c'est comme un muscle, ça s'entraîne, ça s'endurcit, ça se cajole aussi. Je vous dirais demain comment.

3 commentaires:

  1. Ô combien véridique! 18ans de glandouille scolaire à rêvasser... Aujourd'hui je m'en rogne les extrémités en voyant les complications que me pose un simple commentaire de texte à la noix...

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  2. J'ai lu ton article et celui de Daria Marx et vous avez terriblement raison. Je reviens demain lire la suite.

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  3. Jhanne : Finalement le vieux principe selon lequel le cerveau ne s'use si on s'en sert pas est totalement valable...

    Mick : Merci, tout le mérite en revient à Daria, je n'ai fait que transcrire les réflexions que son article à fait naître...

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