14 août 2010

"Pendant les vacances, je me lève à sept heures, je descends, j'ouvre la maison, je me fais du thé, je hache du pain pour les oiseaux qui attendent dans le jardin, je me lave, j'épousette ma table de travail, j'en vide les cendriers, je coupe une rose, j'écoute les informations de sept heures et demie. À huit heure, ma mère descend à son tour ; je déjeune avec elle de deux œufs à la coque, d'un rond de pain grillé et de café noir sans sucre ; à huit heure et quart, je vais chercher le Sud-Ouest au village ; je dis à Mme C. : il fait beau, il fait gris, ect ; et puis je commence à travailler.
À neuf heures et demie, le facteur passe (il fait lourd ce matin, quelle belle journée, ect.), et, un peu plus tard, dans sa camionnette pleine de pains, la fille de la boulangère (elle a fait des études, il n'y a pas lieu de parler du temps) ; à dix heures et demie pile, je me fais du café noir, je fume mon premier cigare de la journée. À une heure, nous déjeunons ; je fais la sieste de une heure et demie à deux heures et demie.

Hugh Stewart via Colline

Vient alors le moment où je flotte : guère envie de travailler ; parfois je fais un peu de peinture, ou je vais chercher de l'aspirine chez la pharmacienne, ou je brûle des papiers dans le fond du jardin, ou je me fais un pupitre, un casier, une boîte à fiche ; viennent ainsi quatre heures et de nouveau je travaille ; à cinq heure et quart, c'est le thé ; vers sept heures, j'arrête mon travail ; j'arrose le jardin (s'il fait beau) et je fais du piano. Après le dîner, télévision : si elle est ce soir là trop bête, je retourne à ma table, j'écoute de la musique en faisant des fiches. Je me couche à dix heures et lis à la suite un peu de deux livres : d'une part un ouvrage de langue bien littéraire (les Confidences de Lamartine, le Journal des Goncourt, ect), et d'autre part un roman policier (plutôt ancien), ou un roman anglais (démodé), ou du Zola."


Emploi du temps (et douceur de vivre) par Roland Barthes