2 février 2011

Voyage autour du Monde comme si...2

Comme il a été dit avant, je vais donc évoquer la langue bretonne comme exemple typique de construction culturelle artificielle vendue comme authentique. 

Tout d'abord, il faut savoir qu'il existait jadis une foultitude de façon de parler en Bretagne. 
En Haute Bretagne (de Nantes à Saint Brieuc), on parlait un français local appelé Gallo et en Basse Bretagne (de Saint Brieuc à Brest) un breton riche et multiple divisé en quatre dialectes : vannetais, trégorois, léonard, cornouaillais. 
Après la première guerre mondiale, une bande d'intellos plus ou moins allumés, n'étant pour la plupart pas bretonnant de naissance (un comble) s'est mêlé de sauvetage linguistique et a donc inventé une sorte d'Esperanto mélant tous les dialectes et une bonne dose de gallicismes. Cette fine équipe, Roparz Hemon en tête, avait mis au point un discours publicitaire bien construit quoique aberrant.  Ils ont donc présenté leur trouvaille comme un breton littéraire, adapté au monde moderne, possédant enfin une grammaire et pouvant donc contribuer à la gloire et à la force d'une nation Bretonne autonome. Tissus de bêtises, c'est aisément démontrable. 
  • Il existe une littérature orale absolument magnifique en breton "d'origine", s'exprimant par exemple à travers des chants (les gwerzioù en particulier) et les contes. 
  • Le breton d'origine bien que peu écrit, possédait de toute évidence une grammaire. Toute langue possède une grammaire sinon on ne peut pas la parler. 
  • Les créateurs de cette novlangue visaient avant tout l'émergence d'une élite bretonne autoproclamée parlant un bon breton (appris avec peine d'ailleurs) méprisant le galimatias général. Visiblement, le fait que les variantes linguistiques ne nuisent en rien à la paix intérieure d'une région ou d'un pays ne leur a pas du tout sauté aux yeux. Si j'étais vache, au vu de ce que j'ai appris sur le sujet, j'ai bien envie de dire que la plupart des promoteurs du KLT n'étaient pas bien malins mais quand même...
Et quid du breton et du Gallo parlé par une grosse frange de la population ? Le Gallo : poubelle (trop français). Tout le monde va apprendre et réapprendre à parler correctement le brezhonneg, y compris les brittophones de naissance, ces foutus paysans qui parlent n'importe comment, les pauvres. 

Bécassine s'en va sauver le monde.
 Et ouais. Dix crétins ont réinventé une langue contre les usages linguistiques de toute une population et avec un mépris incroyable de la culture, des particularités et de l'histoire des territoires et des gens qui y vivent. Énorme non ?

Le pire, c'est que ça a marché. Le KLT est la « langue » apprise à Diwan , dans les filières bilingues, dans les cours de breton. Heureusement, certains enseignants ont le bon sens d'indiquer les particularisme des différents terroirs mais ça ne se fait pas encore partout je pense. Que cette langue n'ai jamais été parlée comme langue maternelle, que les générations ne se comprennent pas, qu'elle trimballe un fort relent de souffre collabo n'a l'air de déranger absolument personne. 
Depuis cinquante ans, on nage en plein délire.

(La suite bientôt...)

7 commentaires:

  1. Merci pour tes deux articles, ils sont passionnants. Je vais aller regarder de plus près le livre de Françoise Morvan...
    En revanche se pose la question de l'apprentissage du breton: quand on n'a pas des grands-parents bretonnants pour apprendre avec eux la langue (ou plutôt, donc, l'une de ses variantes), que faire? Je suis originaire du pays gallo mais cela m'intéresserait quand même d'apprendre un peu de breton, et depuis longtemps je me demande comment m'y prendre: je n'ai pas envie de suivre les préceptes de Monsieur Roparz Hémon, d'autant plus qu'il était quand même bien collabo, et ton texte me renforce dans cette méfiance.

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  2. Merci beaucoup pour ton commentaire.
    Je te conseille de te tourner vers une méthode "traditionnelle" pour acquérir les bases. La méthode Oulpan de Nicolas Davalvan est très bien et l'auteur fait fréquemment référence aux variantes dialectales. En plus, c'est très concret, efficace et drôle.
    Ensuite, il faut parler, parler, parler, de préférence avec des locuteurs natifs ou avec des personnes bilingues(il existe parfois des cercles de conversation). Et puis l'autre tuyau est d'aller piocher des expressions et des tournures dialectales dans de bons traités sur la question : le livre de Jules Gros, le Trésor du Breton Parlé est une véritable mine...

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  3. J'ai toujours eu un faible pour la Bretagne mais sans vraiment la connaitre puisque je n'ai jamais posé le pied sur ses terres. En fait une partie de ma vision de la Bretagne est faussée et cet article est une découverte pour moi. Je ne savais pas du tout que cette langue bretonne dont on entend parfois parlé est une "création".

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  4. Merci pour tes précieux conseils.

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  5. Mick : attention bien entendu à ne pas faire d'amalgame : le breton dialectal est heureusement encore parlé (de moins en moins mais bon). Cependant, on gagne toujours à examiner ce qu'on nous présente comme "authentiquement culturel".

    Rose : De rien ;)

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  6. Question bête: en quelle langue écrit Jakez Riou, bretonnant de naissance? Que je sache, "Geotenn ar Werc"hez" n'est pas écrit en dialecte cornouaillais. Pourtant, il s'agit (à mon humble avis de l'un des chefs d'œuvre de la littérature bretonne (et même de la littérature tout court). j'ajoute qu'à l'époque de Jakez Riou, l'immense majorité de la société rurale bretonne parle encore breton.
    Anjela Duval parle depuis sa naissance le pur trégorrois, mais quelle est la langue de ses poèmes, quelle est la langue de "Karantez Vro" si merveilleusement chanté par Nolwenn Leroy?
    A ce propos, sur Tébéo la télévision du Télégramme, les Frères Morvan ont reconnu qu'ils comprenaient le breton de Nolwenn Leroy, ce qui est déjà un très beau compliment.
    Arrêtons d'opposer une langue littéraire, ou du moins savante qui a toujours existé (même si elle a fini par devenir la langue des curés et des militants) à la langue des paysans, le "badume".
    Surtout cessons de nous référer à la nommée F M (il est des noms qui salissent la bouche et la plume) dont la haine de la langue bretonne (sous toutes ses formes) donne envie de vomir.

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  7. Effectivement le breton actuel tel qu'enseigné essaie d'être un terreau commun, comme le français l'est d'ailleurs! Le tout c'est de comprendre et pouvoir être compris de tous les bretonnants, et sur ce point, pour les motivés, ça marche.
    Les autres pays ont aussi des différences dialectales sans que cela nuise à l'existence d'une langue (de la capitale): Ainsi l'Anglais n'est pas prononcé partout de la même façon (écoutez un gallois).
    Le passé de certains hommes est condamnable au plus haut point! Mais leurs travaux, en ce qu'il est déconnecté de leurs idéologies, est valable. Faire une grammaire n'est pas lié au fascisme, quand bien même l'écrivain le fait pour l'ennemi. Le résultat est important car il n'a as été en lui même objet de mort. L'abbé Perrot (auquel on aurait pu enlever abbé) est un fasciste, responsable de la mort indirectement mais assurément de femmes et d'hommes. Mais une correction d'un texte, d'un texte, de par ses connaissances du breton du Léon ne sont pas à rejeter au motif de ses convictions viciées. Ainsi, selon FM que vous citez en exergue, tous les élèves, NON fascistes, qui ont passé et obtenu un diplôme avec un enseignant qui, lui, s'est mal comporté pendant la 2nde guerre mondiale, doivent donc rejeter leurs diplômes!
    Non, bien sûr que non, FM confond les hommes avec leurs travaux. On continue de lire Céline qui était antisémite, Soljenitsyne écrivain russe était homophobe, mais on le lit parce que leurs haines n'est pas dans leurs ouvres ou du moins pas le point d'exergue.
    Combattons le fascisme
    sous toutes ces formes, mais cessons de considérer que l'ensemble du travail de leur vie est à jeter. Dans le cas contraire, que savons nous de l'homophobie de Alexander Fleming qui a découvert la pénicilline? Vaut mieux pas chercher, ça n’altérerait pas sa découverte, alors que je serai le premier à condamner sa haine des homosexuels, forts rependus au début du XXième siècle.
    Donc FM est extrémiste parce que aveuglé par sa haine de certains personnalités bretonnes.Elle devrait écrire sur l'académie française, le mouvement fasciste en France du XXI eme siècle.

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