17 août 2010

Lisbeth

J'étais alors entre deux épreuves du concours. L'année, atroce, touchait à sa fin et j'avais passé sans brio mais avec succès les écrits, ce qui me valait un billet première classe pour les épreuves orales, dans lesquelles j'étais ce jour là plongée jusqu'au cou. J'en avais bâclé de mon mieux la préparation et me retrouvais seule à Rennes pour passer les tout derniers entretiens : l'anglais, l'EPS . Un jour de relâche, crevant d'ennui, je suis entrée dans le ciné le plus proche et j'ai acheté un ticket pour le film du soir. Millenium, le premier volet. J'y suis allée sans conviction, m'étant tenue à l'écart du ramdam médiatique ayant accompagné la mort de l'auteur puis la sortie du film.
Et puis, il y a eu Lisbeth Salander.



Sa traversée du métro à grandes enjambées fiévreuses, sa hargne et sa force. Sa dimension d'icône postmoderne aussi. Je n'avais pas rencontré de personnage féminin aussi exaltant depuis la Modesta de Goliarda Sapienza, aussi bouleversant que l'héroïne de Mal de Pierre, presque aussi moderne que Marion dans Quatrième Génération. Peut être est-ce ma sympathie de toujours envers les punks, les gothiques, les geeks. Ou bien la séduction butch et fragile de Lisbeth, petit bout de femme cloué de partout. Ou bien le parallèle évident avec King Kong Théorie et les bouquins de Despentes en général dont le regard sur le sexe faible me plaît : dans ses livres, la violence, la puissance, les pulsions sont aussi les apanages des femmes et ça fait du bien (catharsis jouissive dans mon cas). Avec Lisbeth, un nouveau style d'héroïne est proposée, loin, si loin de la viande à trancher, des nouilles dépressives à la française ou des bombasses archicarrossées des films US.


Avec Miss Salander, on est loin des canons typiques de la beauté ordinaire, de toute façon, elle s'en fout, elle ne cherche pas à plaire. Première nouvelle. Une héroïne qui ne se roule pas aux pieds musclés du héros et qui au contraire, lui sauve la mise tout en se méfiant de lui ? Non, pour Lisbeth, la vie n'est pas un champ de fleurs peuplé de poneys : sa vie à elle hurle, cogne, blesse, saigne. La vraie vie finalement et Lisbeth y fait face en grande fille, avec son cerveau, ses poings et sa rage de vivre. En flânant sur le web, j'ai pu constater que Lisbeth fascine, inspire. Pas étonnant. Dans un monde de plus en plus hostile, je pense que nous avons besoin de moins de pétasses consensuelles et de plus d'exemples de femmes fortes, libres et affranchies. Cher Steig Larsson, merci.