12 août 2010

Ce que j'écris, suis-je sûr de le supporter huit jours plus tard, à jeun ? Cette phrase, cette idée (cette idée-phrase) qui me contente quand je la trouve, qui me dit qu'à jeun elle ne m'écœurera pas ? Comment interroger mon dégoût ? Comment préparer la meilleur lecture de moi-même que je puisse espérer, non pas aimer, mais seulement supporter à jeun ce qui a été écrit ?
Roland Barthes, toujours.

Il est dur de renier " l'ivre mort de son petit moi" et de se relire froidement. Si cet amas de texte avait été un journal, j'aurai biffé, raturé, déchiré la page sans la moindre arrière pensée. Or, j'écris sur une interface semi-publique (la confidentialité relative de cet endroit me protège) soumise à des codes implicites de comportement.
En parlant de moi autrement que de manière laconique, je diminue cette confidentialité et me met en danger (et je ne parle pas seulement de proches qui pourrait me deviner derrière ses mots). De plus, je copie du pseudo vécu déjà lu et déjà fait en ne voulant pas tomber dans l'impersonnel façon magazine. Résultat : vertige, irritation rétrospective, sentiment de gâchis.

Un mauvais texte sur une chose futile est moins ulcérant qu'une médiocrité touchant au personnel. Dans mon cas, le dégoût fut immense : horreur de l'impudeur et ego encrassé. Que faire alors d'un article raté ? Le supprimer ? Ce n'est pas évident : c'est trahir un manque d'assurance et de rigueur, c'est dénoncer une faille, c'est compromettre les lecteurs : vous ferez comme si il ne s'était rien écrit.

En conséquence, on le garde ce fichu message ? Pas possible. Un billet nul ou considéré comme tel (alors qu'il y a peut être bien pire dont l'auteur est fier, en plus) entache l'ego de l'auteur et le blog tout entier. Une forme de désamour apparaît souvent quand l'inspiration est en berne, comme si le blog, et non son auteur, était l'instigateur des bêtises rédigées. Tentation ce matin de faire disparaître tout ça, toute cette vanité.

Je suis irrécupérable, hélas. Autant en tirer des leçons et se contenter de séparer le bon grain de l'ivraie. Un peu de ménage s'impose.