Les souvenirs, c'était de la fausse monnaie, des hochets pour les mourants.
Jean-Marc Parisis, Les Aimants
Une sombre demeure, un terrible secret de famille, la haine entre une princesse russe et une tsigane, une enfant blessée à la recherche de ses origines, la mort, autant de thèmes fascinants (les mauvaises langues diront accrocheurs) qui traversent le livre de Yann Queffelec. On y trouve les figures tutélaires de l'imaginaire russe (le Domovoï, Baba Yaga, le Samovar, les plaines de Sibérie,...) et celle du fantastique européen : la forêt, le loup, le chevreau, l'orpheline, le village, le lac drapé de brume. Accumulation de clichés vendeurs ? Peut être. Toujours est-il qu'on est véritablement emporté par cette terrible histoire d'amour et de mort. La femme sous l'horizon est construit comme un conte d'horreur pour adultes. Le plaisir de lecture est réel, à la première comme à la dixième lecture tant on se régale de cette galerie de portraits hétéroclites et démentiels. Chaque personnage pourrait en effet faire l'objet d'un roman à lui tout seul.
Dès la seconde partie du livre, on passe d'un monde presque onirique (la vie dans la forêt, l'enfance) à un labyrinthe bourré d'impasses quand l'héroïne devenue adulte arrive à Paris. Le balancement entre le réel (la ville, la mort) et le mensonge (la comédie de l'aïeule, le cabaret tenu par de faux russes) est traité de manière intéressante et développe tout au long du récit une autre problématique que je trouve passionnante : la valeur du souvenir : drogue dure (la grand mère), religion (l'oncle), poison (le père), malédiction (Tita, l'héroïne).
L'auteur s'interroge aussi sur le caractère très chancelant de l'identité : est-on soi même en propre ou ne sommes nous que les strates accumulées d'un passé familial (Tita se fond dans la figure de Carmilla, sa mère) et à travers le destin tragique de l'héroïne évoque la difficulté de se construire et d'échapper à la fatalité du destin. En effet, le sort de Tita balance sans cesse entre résilience et prédestination.
Ce récit m'a enchanté, même s'il comporte de nombreux défauts (clichés, construction bancale, personnages caricaturaux...). Ce n'est pas un chef d'œuvre, mais un livre plein de charme, original et inoubliable, à la manière des contes de veillée. Le style y est charnu, avec parfois de belles trouvailles, des morceaux de bravoure, et quelques maladresses. La femme sous l'horizon est finalement une œuvre inclassable que ses défauts ne rendent que plus attachante encore.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire